Follow us on:

Pages

France : premier jour d’application de la réforme de la garde à vue

Commissariat du 3e arrondissement à Paris, France.La Cour de cassation a décidé, vendredi 15 avril 2011, que les nouveaux droits de la défense pendant les gardes à vue, notamment la présence de l'avocat, devaient immédiatement s'appliquer. Cela accélère l'entrée en vigueur de la réforme de la garde à vue qui était prévue au 1er juin. La Chancellerie a aussitôt demandé aux parquets d'appliquer « sans délai » la réforme et le ministère de l'Intérieur a donné des instructions en ce sens aux forces de l'ordre. Depuis minuit ce samedi 16 avril les policiers et les avocats doivent donc bouleverser leur méthode de travail. Avec un premier couac en fin de journée dans les Deux-Sèvres.





Ni les policiers ni les avocats ne s'étaient préparés à une application aussi rapide de la réforme de la garde à vue. Une procédure courante, puisque chaque année près de 800 000 personnes sont placées en garde à vue. Alors dans l'urgence, la préfecture de police de Paris a mis en place une hotline et un réseau informatique de documentation pour épauler les officiers de police judiciaire.
Près de 14 commissaires et officiers sont mis à contribution pour répondre 24h/24 à leurs collègues. Il s'agit d'apporter une assistance en temps réel, une aide matérielle et juridique mais aussi recenser et analyser les difficultés vécues par les différents services de police.
De tous les commissariats de France, les policiers peuvent appeler pour connaitre les nouvelles règles applicables sur la présence de l'avocat, la liste des documents à lui fournir : comme les PV d'audition, de notification de droit et d'examens médicaux.
De leur côté les avocats, qui désormais doivent répondre aux sollicitations des gardés à vue partout et à toute heure, se disent prêt à relever le défi. Le Barreau de Paris, le plus important de France avec ses 22 000 avocats, a sollicité 1 000 avocats volontaires pour répondre aux demandes.
Les policiers et les robes noires vont devoir apprendre à travailler ensemble. Une véritable révolution dans le monde judiciaire français.

Ce qui change dans la procédure de garde à vue en France

• La personne gardée à vue « est immédiatement informée (…) du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ». Ce droit au silence n’était pas jusque-là spécifiquement mentionné.

• Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat. L’avocat peut, à la demande de la personne gardée à vue, avoir accès au procès verbal constatant le placement en garde à vue. L’avocat peut assister à ses auditions et confrontations. La présence de l’avocat peut être différée de 12h ou 24h si la peine encourue est d’au moins 5 ans ferme. Nécessité d’autorisations « écrites et motivées » du procureur et du juge des libertés et de la détention. Jusqu’à maintenant il se passait bien souvent 48 heures de garde à vue avant l'intervention d'un avocat. Ou au mieux, une rencontre avec le gardé à vue de 30 minutes, au début de l'audition.

• La loi pose le principe de l'interdiction de fonder une condamnation, en matière délictuelle ou criminelle, sur les seules déclarations faites par un individu sans que celui-ci n'ait pu s'entretenir avec un avocat et pu être assistée par lui.


• La garde à vue peut être utilisée pour toute personne soupçonnée « d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ». D’une durée de 24 heures, elle peut être prolongée de 24 heures si la peine encourue est d’au moins un an de prison. La prolongation se fait « après présentation de la personne au procureur de la République » ou bien par un moyen de communication audiovisuelle. (Actuellement, peut être placé en garde à vue tout suspect d'infraction et un simple fax suffit pour prolonger la mesure).

• La victime si elle doit être confrontée avec une personne gardée à vue, peut également demander à être assistée d’un avocat.

• Des dérogations sont prévues dans les affaires de terrorisme, stupéfiants et criminalité organisée, avec des gardes à vue de 48 heures ou 72 heures.


L'un des objectifs de la loi : réduire le nombre annuel de gardes à vue (de 800.000 à environ 500.000)


Premier couac de ce nouveau régime de la garde à vue en fin de journée, ce samedi 16 avril : le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Deux-Sèvres, Laurent Di Raimondo, a demandé à ses avocats de permanence ce week-end de ne pas appliquer le nouveau régime de la garde à vue et « de s'en tenir aux textes anciens ».« Il est hors de question d'accepter de faire dans l'urgence n'importe quoi dans la plus totale précipitation », a dénoncé le bâtonnier.