Deux femmes portant le niqab ont été interpellées ce lundi 11 avril au matin à Paris, officiellement pour participation à une manifestation non déclarée. Lors d'une prière devant la cathédrale de Notre-Dame, elles protestaient contre la loi, en vigueur depuis aujourd'hui, qui interdit le port du voile intégral dans l’espace public. Retour sur les contours d'une telle législation dont la France est le premier pays européen à se doter. Que dit la loi ? Selon les statistiques, la loi interdisant de se dissimuler le visage concerne quelque 2000 femmes musulmanes en France. A partir de ce lundi, elles sont donc obligées d’enlever leur niqab ou burqa dans les rues, les transports en commun, les administrations, les écoles, les tribunaux ou les hôpitaux. Elles n’ont pas non plus le droit de se présenter voilées dans les commerces, les restaurants, les cinémas, les théâtres ou les parcs. Le port de voile islamique intégral est autorisé en revanche dans des lieux de culte, à leur proximité et évidemment à la maison. En voiture, considérée comme un lieu privé, le niqab est permis, sauf au volant. Les femmes qui violeront la loi risquent une amende de 150 euros. Les époux qui forceraient leurs femmes à se voiler peuvent être punis d’un an de prison et de 30 000 euros d’amende. Comment l’appliquer ? L’application de la loi bannissant certaines tenues liées aux pratiques jugées « extrémistes » par le Conseil français du culte musulman (organe représentatif de l’islam en France) s’avère pourtant très compliquée sur le terrain. Les policiers sont appelés à éviter tout dérapage et à faire preuve de pédagogie. Il n’est pas question d'utiliser la force. Pas question non plus de placer la « rebelle » en garde à vue ou de la retenir au poste de police plus de quatre heures. «Les forces de sécurité intérieure n’ont pas le pouvoir de faire ôter le vêtement qui dissimule le visage », prévient le ministère de l’Intérieur dans une circulaire datée du 31 mars. Les syndicats de police, sceptiques quant aux possibilités concrètes de faire respecter la loi du 11 octobre 2010, craignent aussi des provocations de la part des mouvements intégristes. Certains policiers se demandent par ailleurs comment arrêter la femme d’un émir qui sort de chez Cartier. La législation française en question La loi française prohibant le port de voile intégral dans les lieux publics est sévèrement critiquée par l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty international et le Conseil de l’Europe. Et c’est la Cour Européenne des droits de l’homme que veut saisir Kenza Drider, l’une des deux femmes arrêtées sur le parvis de Notre-Dame. Kenza, la seule femme voilée entendue par la mission parlementaire au moment de la préparation des textes de la loi, avait bravé l’interdiction dès ce lundi matin, en prenant le TGV Avignon-Paris, vêtue de son niqab. « Cette loi est une atteinte à mes droits européens, à ma liberté d’aller et de venir, à ma liberté religieuse », a-t-elle dit aux journalistes qui l’attendaient à la gare. Avant les élections présidentielles La loi sur le voile islamique intégral entre en vigueur dans un contexte particulier. A un an de la présidentielle de 2012 et sur fond de montée du Front national, la place de l’islam et la laïcité sont devenues des thèmes majeurs du débat politique. Le président Nicolas Sarkozy a déclaré en 2009 que la burqa « n’était pas la bienvenue sur le territoire de la République ». La majorité des hommes politiques lui donnent raison, mais les membres de l’opposition de gauche, pour la plupart, ont refusé de voter la loi en soulignant des risques d’inconstitutionnalité.